Ateliers d’écriture

Textes de Inès Thoumsin (février 2009)

13/3/09

Texte 1
 
J’ai neuf ou dix ans. C’est bientôt la fête costumée des enfants à Jadotville, au Congo. Maman a une idée superbe : elle va nous déguiser en Hawaïens, mon petit frère Henri, notre voisin Jean-Claude et moi.
Elle achète donc des nattes en raphia. Avec la maman de Jean-Claude, elles enlèvent les fils de trame dans un sens, ce qui donne trois jupes en rubans de paille. Il faut maintenant des fleurs. La grande haie d’hibiscus fera l’affaire. Et l’on cueille, on cueille, on cueille… Les deux mamans enfilent les fleurs et nous en font des couronnes et des colliers.
Nous voilà partis, torse nu, bien sûr. On rigole, on pose… Je suis plus à l’aise que les garçons, faisant virevolter ma jupe, esquissant des gestes de danse.
Nous avons eu le premier prix. Incroyable : nous étions trois petits blonds aux yeux clairs.
 
 
 
Texte 2
En voyage le long des Grand Lacs d’Afrique, nous visitons le magnifique parc des Virunga. Tout est grand, je me dilate, je m’éclate. Singes dans les arbres, hippopotames dans la rivière, zèbres, antilopes, lions dans la savane herbeuse…
 
Voici qu’arrive une vieille éléphante solitaire. Nous nous regardons intensément, nous ne bougeons plus.
Petit à petit je deviens elle. Ma peau fonce, brunit et se fripe. Mes paupières tombent sur mes yeux. Mes jambes et mes bras s’alourdissent et je me retrouve à quatre pattes dans l’argile. Je lève le nez, il devient trompe et je hume l’odeur de la brousse. Seules mes dents sont encore belles, allongées en cornes pointues.
Mon ventre, qui a fini d’enfanter, pend entre mes pattes.
Je suis seule, le troupeau ne veut plus de moi. Et je barris de tout mon être.
 
 
 
Texte 3
Sur le quai il y a un père avec son gamin
Sur le quai il y a un gosse qui pleure, qui pleure…
 
Sur le quai il y a des gens qui relèvent leur col
Sur le quai il y a des coeurs si froids, si froids…
 
Sur le quai il y a une valise éculée
Sur le quai il y a des chagrins qui passent, qui rongent.
 
Sur le quai il y a une grand-mère qui se redresse
Sur le quai il y a toute une vie passée, toute sa vie.
 
Sur le quai il y a l’enfant qui rit à travers ses larmes
Sur le quai il y a des sourires et des gestes d’amour
 
Sur le quai il y a un train qui s’approche
Sur le quai il y a la vie qui continue.
 
 
 
Texte 4
Etrangement, je n’ai pas gardé beaucoup de souvenirs de mon séjour au Tibet.
Je me souviens d’une longue marche dans la montagne, de l’air pur, de ma difficulté à respirer.
Je me souviens de cette lumière éblouissante sur les pentes neigeuses.
Je vois encore mon arrivée au monastère, j’entends les psalmodies rythmées et prenantes des bonzes agenouillés. Leurs larges robes et leurs hautes coiffures bordées de fourrure jettent des tons rouge et or sur les pavés d’ocre rustique.
Les exhalaisons d’encens, les parfums diffusés me prennent au plus profond de mon être.
Je suis une autre, je suis en paix.
J’ai tout oublié.
 
 
 

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